La tribune de Estrarre
Pour cette première édition du festival Temps de Pleine Lune, l’ensemble théâtral estrarre présente Débris d’après Dennis Kelly. Entre tragédie et humour noir, cette nouvelle création pose la question du rôle sociétal du théâtre.
Devons-nous tout montrer sur un plateau ? Julien Kosellek et Viktoria Kozlova tentent de nous
Quand nous avons amorcé ce nouveau projet de création, notre objectif était de proposer au public quelque chose de « grave et léger », les deux à la fois. Car, avec des textes comme ceux de Dennis Kelly, la tragédie ne fonctionne que grâce à l’humour noir et réciproquement, l’humour n’est présent que parce qu’il y a un enfer qui se dissimule. Dans l’ADN du théâtre, il y a cette capacité à mettre en scène le drame de manière à permettre aux spectateurs de l’appréhender et de le digérer avec suffisamment de distance. Pour Débris, cela passe par le décalage, la tension permanente entre le vrai et le faux. Les récits des personnages principaux sont extraordinaires, frôlent parfois la science-fiction, car c’est la seule façon pour eux·elles d’évoquer leurs traumatismes d’enfant. Notre rôle d’artiste est de trouver une forme, juste et fidèle, pour exprimer les maux de notre société. Pour Shakespeare c’étaient les grandes folies du pouvoir, pour Marivaux celles de l’amour, pour Molière celles de la famille. Aujourd'hui, nous devons lever le voile sur nos folies communes, car ce sont elles qui nous lient. Même si nous ne sommes pas directement concerné·es par elles, les montrer sur scène nous permet de les confronter ensemble. Non seulement le spectacle vivant nous pousse à entamer des discussions sur ces sujets parfois tabous avec d’autres individus, mais aussi et surtout avec nous-même. Chacun, à partir de ce qu’il a vu, doit pouvoir se créer un espace de réflexion. C’est donc un enjeu collectif mais également individuel.
Tribune issue de la Gazette n°2, à découvrir en intégralité par ici.